1 juillet, 2014 –
L’étoffe fait quasiment emblème du pays des hommes intègres. Reconnaissable et recherché parmi d’autres dans la sous-région et au-delà, le pagne tissé burkinabè, popularisé et baptisé Faso Dan Fani (FDF) sous l’ère de la révolution s’est fait une marque de fabrique et des lettres de noblesse, malgré l’échec de l’expérience d’une production à l’échelle industrielle. Rencontre avec une association qui regroupe, forme et encadre à Ouagadougou plusieurs centaines d’ouvrières de l’ombre, défenseuses de ce symbole de fierté nationale.
L’Association des tisseuses du Kadiogo (ATK) a été créée le 29 septembre 1994 à Ouagadougou. Elle regroupe en son sein plus de 20 groupements, repartis à travers la ville de Ouagadougou, avec au total plus de 600 tisseuses. D’après les dires de Madame Justine Kafando, membre fondatrice et présidente de l’association, l’ATK a vu le jour grâce au Bureau des Artisans (BA) qui, au vu des difficultés que les tisseuses rencontraient, a eu l’idée de les regrouper en association, dans le but d’améliorer leurs conditions de travail et défendre leurs intérêts. « Avant, chaque tisseuse tissait seule chez soi, et vendait ses pagnes avec les commerçants. Chose qui était difficile, car ce sont les mêmes qui nous vendaient la matière première (le ‑l)
à un prix très élevé. Aussi, pour la vente de nos pagnes, c’était encore eux qui fixaient le prix, et même souvent achetaient à crédit ». Les objectifs affichés de l’Association des tisseuses du Kadiogo sont, entre
autres, de promouvoir le métier de tisseuse, de défendre les intérêts de ses membres, de contribuer au plaidoyer pour la consommation du textile local (FDF) et de créer une synergie d’actions avec les autres
métiers du textile. Membre fondatrice de l’Union des organisations professionnelles des artisans de Bobo-Dioulasso et Ouagadougou (UNOPABO), l’Association des tisseuses du Kadiogo, par le biais du Bureau des Artisans (qui n’existe plus), a bénéficié d’un fonds européen. Ce fonds, selon les dires de la présidente de l’ATK, a permis la création de la Société de caution mutuelle des tisseuses du Kadiogo (SCM-TK), une des premières du genre en Afrique Noire.
La SMC-TK, en collaboration avec les Caisses populaires, permet à
toutes les tisseuses membres de l’ATK, de bénéficier de crédits pour renforcer leur capacité dans le travail.
En plus des crédits dont elles bénéficient, les membres de l’association s’approvisionnent également à crédit en matière première que l’association met à leur disposition. Un dernier privilège qui n’est toutefois plus chose très aisée, à entendre Madame Kafando. « Pour la matière première, nous étions grossiste avec Faso Fani. Et après la fermeture de cette dernière (Usine textile, Ndlr), c’est FILSAH qui nous procurait le fil, mais à seulement 50% de nos capacités. Mais de nos jours, cela n’est plus le cas. Nous achetons maintenant avec les commerçants, alors que nous remplissons toutes les conditions pour être grossiste ».
Les tisseuses de l’ATK bénéficient également de formations en management, en gestion, en épargne et crédit, aux techniques de tissage avec motifs géométriques et teinture du fil. Pour l’écoulement de leurs produits, les tisseuses de l’ATK bénéficient d’un grand soutien de leur structure, car l’association a créé une branche dénommée Groupement d’Intérêt Economique des Tisseuses du Kadiogo (GIE-TK), qui s’occupe du volet commercial. Pour madame Tapsoba née Sawadogo Maria, vice-présidente du GIE-TK, c’est sa structure qui est chargée de l’écoulement des produits des femmes de l’association. « Nous sommes chargées de commercialiser les pagnes. Nous payons les pagnes avec les femmes, et nous les revendons dans les expositions et foires nationales ou sous-régionales. Ce qui signifie que les tisseuses de l’association n’ont plus besoin d’aller vendre leurs pagnes au marché, avec les commerçants qui les achetaient à des prix bas ». Grâce aux interventions des partenaires et à la détermination des tisseuses à sortir de la pauvreté, le tissage a créé des emplois directs à plus de 600 femmes de la province du Kadiogo, qui sont devenues des actrices économiques qui contribuent aux frais de scolarité et médicaux de leurs enfants. Madame Koritimi Zongo, Secrétaire à la formation : « J’ai commencé le tissage en 1992, et ça fait 10 ans que je suis membre de l’association. Le travail de tissage me permet de gagner mon pain quotidien, d’être indépendante, de subvenir à mes besoins et ceux de ma famille ». Et Madame Tapsoba Maria de renchérir : « il ya des mois où je peux vendre pour 200 000 francs, avec un bénéfice de 125 000 francs. Et il ya des mois aussi où je gagne 100 000 francs, avec 40 000 francs de bénéfice.
Alors je peux dire que je vis de mon travail ». Même son de cloche pour madame Ouédraogo Rosalie, qui affirme : « Ce travail me permet vivre, car j’arrive à payer la scolarité de mes enfants, à aider mon mari avec les dépenses de la famille, et à prendre soin de moi. Il ya des mois où je peux vendre pour 500 000 francs.
Même si je ne pas peux dire combien je gagne comme bénéfice, je sais que je gagne beaucoup dans mon travail » Cependant, tout n’est pas rose pour les tisseuses de l’ATK, car elles rencontrent des difficultés liées à l’accès à la matière première, à l’écoulement de leurs produits, surtout à l’extérieur du Burkina Faso, et au manque d’un siège pour leur association. Quoi qu’il en soit, les tisseuses de l’ATK, grâce à leur engagement et avec le soutien des structures d’appui à l’artisanat, ont transformé qualitativement le textile local, qui offre
de nos jours des produits alliant la tradition à la modernité. Ainsi, le pagne tissé est aujourd’hui très prisé et utilisé pour les tenues traditionnelles (ville et cérémonies), les tenues coupe européenne vestes, chemises, gilets, robes, pantalons, mais aussi pour l’ameublement, la décoration et les accessoires. L’ATK confectionne
aussi des pagnes pour les différents évènements au Burkina Faso, comme la Journée de la Femme, ou pour la Fête de l’Indépendance. Le prix des pagnes des tisseuses de l’ATK varie entre 4000 et 15 000
francs CFA.
Reportage d’Edith Zida
